
Sans les pesticides, une année de vache maigre
L’année même où le peuple suisse a voté sur l’interdiction des pesticides en Suisse, l’agriculture s’est vue confronter à des conditions météorologiques extrêmement difficiles. L’affaire est entendue: sans les produits phytosanitaires, il n’y a pas d’agriculture.
mardi 12 octobre 2021
Cette révélation n’est au fond pas une surprise. Pourtant, un article du Tagesanzeiger a certainement interpellé de nombreux lecteurs: «En des temps plus anciens, une année pareille à celle-ci aurait été synonyme de famine», y déclare Urs Dünner, agriculteur bio en Thurgovie. Cette année, il ne rentrera que la moitié de sa récolte habituelle de pommes de terre. À cause d’un temps humide et froid, le mildiou a dévasté ses champs. Les préparations à base de cuivre et de laine de roche, deux pesticides admis dans le bio, n’ont pas servi à grand-chose. Chez Daniel Peter, cela semble aller un peu mieux. Cet agriculteur qui pratique l’agriculture conventionnelle a perdu un tiers de sa récolte de pommes de terre. Sans les produits phytosanitaires, il aurait dû tirer un trait sur la moitié de sa récolte.
De nombreuses cultures sous pression
2021 aura été une année difficile pour la plupart des agriculteurs en Suisse. Les chiffres définitifs ne sont pas encore disponibles. Mais les retours transmis jusqu’à présent indiquent qu’en de nombreux endroits, les récoltes de pommes de terre ont été nettement moins abondantes que lors des années précédentes. Dans le bio, le manque serait encore plus marqué, révèle Niklaus Ramseyer, directeur de l’Union suisse des producteurs de pommes de terre. Sans les produits phytosanitaires, la situation en Suisse serait bien plus mauvaise. Il en va de même dans les cultures fruitières. Sans ces produits, la pourriture et les parasites auraient anéanti les récoltes de cerises et de pruneaux, estime Beatrice Rüttimann de l’association de branche Swissfruit.
Dans de nombreuses régions de Suisse, le vignoble a souffert du mauvais temps. À Zurich, la tempête de grêle qui s’est abattue sur la ville le 13 juin laissera un goût amer. Mais même sans elle, l’année aurait malgré tout été difficile. Elle avait déjà mal débuté, et les gelées de printemps ont été suivies d’un été pluvieux. La pluie lessivait au fur et à mesure les pesticides qui venaient d’être pulvérisés sur le feuillage, de sorte que le mildiou – un champignon qui provoque le desséchement des feuilles et des fruits dans le vignoble – a pu s’en donner à cœur joie, écrit le Tagesanzeiger dans un autre article.
Les initiatives anti-pesticides, de la pure utopie
Pas plus tard qu’en juin dernier, la Suisse a voté sur deux initiatives agricoles qui voulaient interdire ou limiter fortement les pesticides. L’année en cours est une démonstration éclatante du caractère utopique de ces initiatives. Sans protection phytosanitaire, il n’y a pas d’agriculture. Certes, des années comme celle-ci pèsent sur les sols, car il faut plus passer avec le tracteur pour pulvériser et protéger les cultures. L’année 2021 montre à quel point il est important de sélectionner des variétés plus résistantes. Urs Dünner et Daniel Peter sont du même avis. Ne serait-ce que pour des raisons de coût, de telles variétés seraient bienvenues. Urs Dünner avertit toutefois: «Il ne faut pas retirer des pesticides avant que les nouvelles variétés aient réussi le test de la pratique.» Le développement de nouvelles variétés prend des années, voire des décennies. En Suisse, la situation se corse du fait de l’interdiction des nouvelles méthodes de sélection, telle l’édition génomique, résultant du moratoire sur le génie génétique. Notre pays se prive ainsi aussi d’une possibilité de sélectionner des variétés résistantes avec une rapidité et une précision que n’offre pas les méthodes traditionnelles. Compte tenu des défis, présent et à venir, qui guettent l’agriculture, il vaudrait mieux se préserver toutes les options. Pour une agriculture nourricière et la plus durable possible.
Une année catastrophique pour les récoltes
L’année 2021 laissera des traces dans toutes les cultures ou presque, sous forme de récoltes entièrement ou partiellement détruites. En raison de fortes averses de grêle, les vignobles et les cultures fruitières ont particulièrement souffert. À cela s’ajoutent des champs détrempés et la forte pression des maladies cryptogamiques. L’oïdium et le mildiou se sont propagés facilement en raison de conditions d’humidité favorables. Pour protéger leurs pommes de terre contre le mildiou, les agriculteurs ont dû recourir à des produits phytosanitaires efficaces. Sans ces substances, les pertes de récolte auraient certainement été totales. Il y a 150 ans, la maladie fongique avait détruit des récoltes entières. La terrible famine qui avait suivi avait provoqué, en Irlande, la mort d’un million de personnes (sur 8 millions d’habitants) et un important exode. Il a quelques générations, lorsque les produits phytosanitaires efficaces n’existaient pas et qu’il n’était pas possible d’importer, l’été humide de 2021 aurait certainement aussi entraîné la famine. L’été même où deux initiatives populaires demandaient d’interdire l’utilisation des produits phytosanitaires ou de récompenser financièrement leur non-utilisation et, partant, le gaspillage alimentaire dans les champs. Une nouvelle étude d’Agroscope le confirme: jusqu’à 47% des récoltes peuvent être perdues lorsque l’on renonce à utiliser les produits phytosanitaires. D’où une hausse des importations là où il est possible d’importer. Lorsqu’aucun produit de substitution ne peut être acheté, des produits de seconde catégorie finissent dans les rayons, à moins que les étals restent vides. Pour les consommatrices et les consommateurs, la diminution de l’offre se traduit aussi par une hausse des prix.
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