Comment protéger efficacement la biodiversité ?

Comment protéger efficacement la biodiversité ?

La biodiversité est une importante base de la vie. Le sujet est très actuel : l'obligation de délimiter des surfaces de promotion de la biodiversité dans l'agriculture suisse n'a manifestement pas atteint les objectifs visés. Selon des publications récentes, la biodiversité reste sous pression. C'est l'occasion pour swiss-food de mettre l’accent sur la thématique « biodiversité et agriculture » et d'en éclairer les tenants et les aboutissants lors de son habituelle discussion qui a eu lieu le 26 juin entre experts. Concrètement, la discussion s'est penché sur la question de savoir comment la biodiversité peut être mesurée scientifiquement. Cette mesure est essentielle pour évaluer l'efficacité des mesures prises en faveur de la biodiversité.

mardi 2 juillet 2024

Felix Herzog, directeur du groupe de recherche sur le paysage agricole et la biodiversité à l’Agroscope, Martin Haab, conseiller national, agriculteur et président de l'Union des paysans zurichois, ainsi que Sebastian Funk, chef de projet Systèmes agricoles naturellement positifs (NaPa) chez Syngenta, ont répondu aux questions sur la biodiversité. Ils ont présenté leurs conclusions sous la direction de Nicole Borel, responsable de la communication et des affaires publiques de Bayer Suisse.

Le débat était intitulé : "Protection de la biodiversité - mesurer, apprendre, améliorer". En guise d'introduction, Nicole Borel a rappelé l'importance fondamentale de la biodiversité. Elle garantit des chaînes alimentaires et des cycles de matières stables. Elle sert de source d'inspiration à l'industrie et l'agriculture profite des prestations de pollinisation des insectes. Il est donc d'autant plus important d'en savoir plus sur la biodiversité afin de pouvoir mieux évaluer l'efficacité des mesures prises.

La biodiversité reflète la diversité

Pour Felix Herzog, la biodiversité est la diversité de la vie, des gènes, des variétés de plantes, des différentes espèces et races animales et la diversité des habitats dans le paysage. Il existe une multitude d'interactions entre ces domaines, qui doivent fonctionner. C'est particulièrement important pour l'agriculture. On part du principe qu'une plus grande biodiversité va de pair avec une plus grande résilience des habitats aux perturbations.

Selon Felix Herzog, la biodiversité dans l'espace agricole est importante parce que l'agriculture exploite environ un tiers de la surface de la Suisse, des terres arables aux alpages. La menace qui pèse sur la biodiversité se manifeste notamment par le fait qu'environ un tiers des papillons diurnes font partie des espèces menacées. On constate également des changements partiels. Ainsi, les espèces thermophiles ont augmenté en Suisse ces dernières années, tandis que la présence des espèces frileuses a diminué.


Près de 20 pour cent de surfaces de promotion de la biodiversité

Les surfaces de biodiversité sont l'instrument le plus important de la politique agricole en ce qui concerne la biodiversité. Elles ont été introduites en 1993 et constituent depuis 1999, avec les prestations écologiques requises, une condition préalable à l'obtention de paiements directs. Depuis lors, chaque agriculteur doit exploiter des surfaces de biodiversité. Aujourd'hui, cela représente environ 19,3 pour cent de la surface totale et la Confédération a indemnisé cela à hauteur de 443 millions de francs en 2022. On distingue trois niveaux de qualité pour les surfaces de promotion. Pour le niveau Q1, il existe des directives pour l'exploitation. Les prairies ne peuvent par exemple être fauchées qu'à partir d'un certain moment. Au niveau Q2, des mesures axées sur les résultats sont indemnisées et le niveau Q3 se rapporte à des indemnisations pour des projets de mise en réseau dans le cadre desquels les agriculteurs de plusieurs exploitations planifient ensemble l'aménagement de surfaces de promotion de la biodiversité.


Les surfaces de biodiversité apportent des avantages

L’Agroscope mesure la biodiversité à l'aide d'un programme de suivi (ALL-EMA). Il s'appuie sur des points de mesure répartis au hasard sur les surfaces agricoles de tout le pays. La diversité des espèces végétales et animales est enregistrée. Contrairement aux zones de plaine, la biodiversité est plus élevée dans les zones de montagne supérieures. Ce n'était pas le cas auparavant, fait remarquer Felix Herzog. Cela indique qu'il existe un potentiel en matière de biodiversité, notamment dans la région de plaine et dans les cultures. Selon lui, la raison de la perte de biodiversité est l'intensification de l'agriculture. La recherche de l'Agroscope permet de montrer l'utilité des surfaces de biodiversité.

La recherche montre également que les mesures de biodiversité sont plus utiles aux espèces plus répandues. Pour les espèces menacées d'extinction, la protection a toutefois besoin de réserves naturelles dédiées, qui doivent à leur tour être mises en réseau, estime Felix Herzog. Globalement, le monitoring aide à prendre des décisions en connaissance de cause. Quant à la question de savoir si nous disposons de suffisamment de surfaces de biodiversité, Herzog répond : « Nous avons suffisamment de surface dans les régions de montagne et dans les prairies - il faut agir dans les régions de plaine et dans les cultures ». Selon lui, la question qui se pose aujourd'hui est plutôt celle de la qualité. Il s'agit donc d'augmenter l'efficacité de ces surfaces.


ZiBiF veut promouvoir la biodiversité par l'initiative personnelle

Martin Haab, conseiller national et agriculteur, donne un aperçu de la pratique. L'association des agriculteurs zurichois, qu'il préside, a lancé, en collaboration avec la Confédération et le canton, un projet intituléZiBiF, qui vise à promouvoir la biodiversité de manière ciblée. Le projet veut promouvoir la gestion de la biodiversité avec des objectifs clairs et plus de liberté. L'accent est mis sur la promotion des connaissances et la responsabilité individuelle des agriculteurs. Selon Martin Haab, le projet part de l'idée selon laquelle la promotion actuelle de la biodiversité se déroule de manière trop schématique. Les agriculteurs n'ont que trop peu de marge de manœuvre. Ils n'ont pas la possibilité de s'écarter des mesures prescrites sur les surfaces. Et la rigidité ne favorise pas forcément la biodiversité.

Le projet ZiBiF se base sur la constatation que la promotion réussie de la biodiversité dépend de nombreux facteurs. L'emplacement, la surface, les conditions climatiques, le temps et le type d'habitat jouent un rôle. Dans le cadre de ce projet, l'initiative personnelle ne signifie toutefois pas que l'on dise aux agriculteurs : « Faites ce que vous voulez et nous verrons ce que cela donne ». Au contraire : une promotion réussie de la biodiversité nécessite une planification adaptée aux surfaces. Il est important que les surfaces soient évaluées dans l'optique de la promotion de la biodiversité. Toutes les surfaces ne sont pas appropriées et n'ont pas un potentiel suffisant. Pour Martin Haab, il est clair qu' « il y a aujourd'hui des surfaces qui n'apportent rien, qui n'ont aucune qualité ». C'est pourquoi le conseil, le suivi au niveau de l’impact, l’accompagnement scientifique et la documentation sont essentiels. Le projet dure jusqu'à fin 2026 et pour Martin Haab, il est clair que « les mesures de biodiversité axées sur les objectifs apportent plus aux agriculteurs et à la biodiversité que des directives rigides ».

Systèmes agricoles NaturPositive

Sebastian Funk de Syngenta a ensuite présenté le projet « NaturPositive Agrarsysteme » (NaPA). Des exploitations agricoles en Allemagne, en Autriche et en Suisse y participent. L'objectif du projet est de mesurer la biodiversité, mais aussi la santé des sols et la résilience climatique. La rentabilité est également un critère. Dans les 19 exploitations agricoles participantes, un monitoring des insectes est effectué toute l'année sur huit sites différents par exploitation.

Les insectes sont capturés à l'aide de pièges et les résultats sont évalués chaque semaine. Le sol et ses micro-organismes sont également observés, les oiseaux présents recensés. Les flacons contenant les échantillons sont envoyés en continu à l'institut Leibniz de Bonn; leur analyse représente un travail considérable. Des spécialistes examinent les échantillons au microscope et établissent des listes d'insectes et de microorganismes présents. Chaque année, 7000 échantillons sont analysés.

Le projet révèle que la biodiversité est un grand défi pour la recherche dit Sebastian Funk : « Il manque des méthodes plus évolutives pour saisir la biodiversité ». Des recherches supplémentaires et l'évaluation de technologies de soutien sont nécessaires pour que la recherche sur la biodiversité puisse être automatisée. Les résultats sont évalués en permanence et les premiers travaux sur le projet devraient être publiés à l'automne 2024.

Parmi les exploitations recensées, certaines pratiquent une agriculture conventionnelle et d'autres biologique. Outre la recherche, le projet s'est également fixé pour objectif de mettre les agriculteurs en réseau et de permettre l'échange d'expériences.

Articles similaires

Plus de bio ne signifie pas plus de biodiversité
Actualité

Plus de bio ne signifie pas plus de biodiversité

Selon une opinion largement répandue, promouvoir l’agriculture bio aurait un impact positif sur la diversité des espèces. Mais c’est faux. Certes, il y a plus d’espèces sur les surfaces bio.

Mesurer la biodiversité avec l’ADN présent dans l’air
Savoir

Mesurer la biodiversité avec l’ADN présent dans l’air

La biodiversité est menacée de toutes parts. La disparition des insectes terrestres en est une preuve parmi d’autres. Des chercheurs prélèvent depuis peu l’ADN dans l’air pour recenser les espèces. On peut ainsi mieux mesurer la diversité biologique sur la terre.

Tradition et innovation vont de pair en matière d'alimentation
Savoir

Tradition et innovation vont de pair en matière d'alimentation

L'étude «Decoding Food Culture» de l'Institut Gottlieb Duttweiler montre à quel point la culture alimentaire façonne notre vie. C'est pourquoi il est difficile de trouver un équilibre entre tradition et innovation pour faire évoluer les habitudes alimentaires.

Le danger sous-estimé des toxines végétales
Savoir

Le danger sous-estimé des toxines végétales

Les plantes produisent une multitude de substances chimiques pour se protéger, par exemple, contre les prédateurs et les maladies. Ces substances peuvent être toxiques à fortes doses. Une étude récente d'Agroscope met en lumière le danger des substances naturelles dans les eaux suisses.

Le naturel est dangereux – Pourquoi les toxines produites par les plantes sont sous-estimées
Savoir

Le naturel est dangereux – Pourquoi les toxines produites par les plantes sont sous-estimées

Beaucoup de gens pensent que les aliments naturels sont plus sûrs que ceux contenant des pesticides de synthèse. Mais les plantes produisent leurs propres toxines, qui sont souvent tout aussi dangereuses. Alors que les résidus artificiels sont réglementés, les substances de défense naturelles sont largement ignorées. Une erreur, comme le montre le scientifique Bruce Ames.

Confiance dans les innovations de rupture
Savoir

Confiance dans les innovations de rupture

Une enquête mondiale menée auprès de 13 000 personnes dans plus de 13 pays montre que les gens ont une attitude fondamentalement positive vis-à-vis des nouvelles technologies. L'étude démontre en outre une corrélation claire entre le niveau de connaissances et l'attitude : plus les gens en savent sur une technologie, plus ils la jugent positivement.

Autres contributions dans Savoir