Industry research for large-scale sustainability
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23.04.2022

Retour à la réalité


Chère lectrice, cher lecteur,

La phrase «Houston, we have a problem» d’Apollo 13 indique, sur un ton légèrement ironique, l’apparition d’un problème majeur, un problème que l’on n’a pas prévu, mais que l’on aurait peut-être pu prévoir. Dans les deux dernières Newsletters de swiss-food, nous avons tenté de présenter les multiples conséquences de la guerre en Ukraine pour l’approvisionnement alimentaire mondial et d’évaluer celles-ci sur la base de nombreuses sources. De fait, en ce qui concerne la situation alimentaire mondiale, «we have a problem». Lorsque les produits agricoles se font rares, les prix augmentent, ce qui frappe de plein fouet les populations les plus démunies d’un grande nombre de pays.

En Suisse aussi, les prix de l’énergie et des denrées alimentaires augmentent. En outre, les primes des caisses-maladie risquent de progresser de plus de 10% l’année prochaine, annonce la NZZ. En 2021, à cause des mesures de soutien dues à la crise sanitaire, les comptes de la Confédération ont une nouvelle fois bouclé dans le rouge vif. Aux difficultés financières s’ajoutent des questions politiques pratiques: comment la Suisse assurera-t-elle son approvisionnement électrique l’hiver prochain? Et la prévoyance vieillesse? Comment atteindra-t-elle ses objectifs climatiques? Comment garantit-elle que la population est protégée contre les attaques de toute nature? Comment garantit-elle son approvisionnement en biens essentiels tels les médicaments? Et comment garantit-elle que la population suisse dispose de denrées alimentaires produites de manière durable, en suffisance et à des prix abordables?

«Un malheur arrive rarement seul.» L’adage se confirme. Nous devons relever simultanément des défis très différents. En sommes-nous capables? Ou avons-nous négligé des tâches politiquement désagréables et focalisé trop longtemps notre attention sur des sujets de moindre importance? Dans une tribune remarquable parue dans la NZZ, l’ancien Conseiller fédéral Kaspar Villiger nous invite à réparer les erreurs des dernières décennies et à faire nos devoirs.

Une chose est claire: l’Europe se trouve à nouveau au niveau inférieur de la pyramide des besoins selon Maslow, qui correspond aux besoins essentiels, comme l’alimentation, le logement, la sécurité, la santé. Tout cela a un coût. «Cette guerre nous coûte cher», commente en titre Thomas Fuster dans la NZZ, en concluant: «Il devient de plus en plus difficile de justifier de nouvelles extensions de l’État providence et de son appareil bureaucratique aux allures baroques. L’effondrement de l’illusion d’une paix perpétuelle a emporté dans son sillage l’ère de l’insouciance budgétaire.» Il demande que les coûts qui sont aussi apparus du fait de la guerre ne soient pas reportés sur les générations futures.

L’heure est à la durabilité, au sens large et dans une perspective à long terme. La «durabilité» à des fins de marketing et qui vise des marges à court terme ou un gain d’image se retrouve en porte-à-faux avec la réalité. À cause de la guerre en Ukraine, Bio Suisse autorise les importations de soja chinois pour nourrir la volaille. Les médias s’en sont fait largement l’écho, car le contraste avec la publicité qui vante la nature et la région est saisissant. Les milieux paysans critiquent de leur côté la décision d’IP Suisse d’autoriser une part de 20% de céréales importées ou produites de manière conventionnelle à la suite de la mauvaise récolte de 2021, alors que le label aime se vanter le reste du temps de ses cultures sans pesticides ni importations.

Dans les deux cas, les récoltes promises contredisent les propres déclarations du label, puisqu’elles proviennent de régions géographiques ou sont issues de pratiques agricoles dont il aime se distancer dans les campagnes publicitaires. Il vaudrait mieux faire preuve de réalisme, mais aussi d’honnêteté. Pour garantir la sécurité alimentaire, une chose est sûre: «Nous n’avons pas besoin de modèles qui ne fonctionnent que par beau temps», dit l’ancien directeur de l’Institut de l’agriculture biologique, Urs Niggli, dans la NZZ. La guerre en Ukraine doit faire évoluer les mentalités. «Nous ne pouvons pas nourrir une population mondiale en croissance avec 20% de denrées alimentaires en moins.»

Même si nous réduisons le gaspillage alimentaire et changeons notre alimentation, nous auront besoins de 30% de calories en plus d’ici à 2050. «Il faudra bien trouver ces 30% quelque part, et ce sera sur la surface agricole existante», affirmait déjà Bernard Lehmann en 2019 dans l’une de ses dernières interviews en tant que directeur de l’Office fédéral de l’agriculture. Aujourd’hui, Bernard Lehmann préside le Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE), interface science-politique du Comité de la sécurité alimentaire de l'ONUAA. Il déclarait aussi: «Ne nous laissons pas tromper par les nombreuses initiatives.»

Le peuple l’a suivi en rejetant les initiatives pesticides et eau potable à 61% des voix, lors d’un scrutin qui aura connu une forte participation. Le message à l’intention du Conseil fédéral était clair: au vu des défis qui attendent l’agriculture à l’échelle du globe, la Suisse n’a pas le droit de prendre congé de l’agriculture productive. La population suisse attend des produits agricoles locaux à des prix abordables. Le tout bio entraîne une hausse des importations et est écologiquement douteux. Une telle stratégie doit aussi être rejetée pour des raisons éthiques. Elle ne ferait que transférer à l’étranger les atteintes à l’environnement.

Il n’est toutefois pas certain que le message soit arrivé à Berne. Le Conseil fédéral vient de faire entrer en force le premier train d’ordonnances relatif à l’initiative parlementaire élaborée par le Parlement par crainte des initiatives. Il n’a pratiquement pas modifié le projet mis en consultation, durcissant ainsi une loi déjà excessive. Il n’a cure des avertissements de l’industrie. Un régime qui ne repose que sur des dérogations réduit la gamme des instruments phytosanitaires disponibles pour lutter contre les maladies des plantes et les parasites. Pour les entreprises, la sécurité de la planification est essentielle pour développer des produits pour le petit marché suisse. Des pertes de récolte sont programmées d’avance. Le problème des résistances s’aggravera. La production de denrées alimentaires en Suisse est activement entravée, contre la volonté de la population votante.

La «durabilité» artificielle est vouée à l’échec, à court terme comme à long terme. Le salut viendrait selon elle d’une diminution de la productivité agricole. Or, les pénuries et les hausses de prix provoquent des famines et des conflits. Pour l’heure, la politique rétropédale. Le ministre Vert allemand de l’agriculture, Cem Özdemir, montre l’exemple: à partir du 1er juillet, les agriculteurs allemands pourront utiliser des surfaces de compensation écologique pour cultiver des fourrages. Le but de cette mesure est de diminuer le prix des aliments pour des animaux. Le Conseil fédéral lui a emboîté le pas: dans le train d’ordonnances cité plus haut, il reporte d’un an au 1er janvier 2024 le relèvement de la part de la surface consacrée à la biodiversité.

Même s’il est juste de considérer que l’Europe centrale doit apporter une contribution solidaire à la sécurité alimentaire mondiale: le fait de libérer des surfaces non construites pour la culture fourragère est controversé. Au lieu d’encourager la productivité agricole à l’aide de la technologie, la real politique des Verts en Allemagne et sa pâle copie suisse sacrifient des espaces naturels. Comment peut-on encore protester contre la déforestation en Amazonie? Conclusion n° 1: il vaut mieux accroître la productivité sur les surfaces existantes plutôt que de continuer à diminuer encore la biodiversité.

Les rapides changements de cours révèlent des problèmes profonds. Pas plus tard qu’en février, le ministre allemand de l’agriculture avait qualifié l’agriculture bio de nouveau modèle. La surface agricole écologique devait s’étendre à 30% d’ici à 2030. Dans une tribune qui a été reproduite sur swiss-food, le rédacteur en chef des médias agricoles allemand, Olaf Deininger, doutait déjà en février de la direction empruntée. Il vaudrait mieux, écrivait M. Deininger, investir dans les nouvelles technologies pour passer d’une agriculture industrielle à une agriculture intelligente. Sa conclusion: «Le bio n’est pas la solution.» L’auteur ne s’était guère imaginé que la réalité lui donnerait raison aussi vite. Conclusion n° 2: les promesses environnementales unilatérales menacent de se terminer en fiasco pour la durabilité.

«La durabilité a une signification plus vaste», écrit Hendrik Varnholt dans la «Lebensmittel Zeitung». Nous avons publié sur swiss-food cette contribution dont nous vous recommandons la lecture. La durabilité a une dimension écologique, une dimension économique et une dimension sociale. Dans le contexte de hausse vertigineuse des prix des produits agricoles, M. Varnholt s’intéresse à sa dimension sociale. «La guerre en Ukraine nous montre qu’un monde où il fait bon vivre ne peut exister que si l’on entend la durabilité aussi comme un but social.» Ce qui est sûr, c’est que la faim n’est pas durable.

Si les objectifs environnementaux restent importants, ils doivent aussi mieux s’accorder avec les objectifs de productivité. La chaîne «ZDF» est partie en quête de l’alimentation du futur. Il y a urgence: environ 70% de la perte de biodiversité est imputable au système alimentaire mondial. Un tiers des gaz à effet de serre dans le monde est émis par l’industrie agroalimentaire. Pour réussir à nourrir quelque dix milliards d’êtres humains en 2050, nous avons besoin d’une agriculture beaucoup plus productive qu’elle ne l’est aujourd’hui. Simultanément, cette agriculture devra fournir une contribution substantielle pour surmonter la crise climatique et préserver la biodiversité. Accroître la productivité tout en protégeant l’environnement suppose de surmonter des intérêts conflictuels.

Pour y parvenir, il faut préférer la coopération à la confrontation et favoriser de nouvelles approches. La coopération entre The «Nature Conservancy» et Syngenta pour réhabiliter des terres agricoles devenues inutilisables en est un exemple. Une grande partie des sols exploités à des fins agricoles est surexploitée, dégradée. Ces sols ne peuvent plus être utilisés comme prairies ou pour les cultures. Lorsque des terres agricoles deviennent improductives ou inutilisables, il est fréquent de les remplacer par des habitats naturels originaux, ce qui ne fait qu’aggraver les problèmes environnementaux. En revanche, si nous trouvons des techniques et des méthodes pour restaurer des surfaces dégradées, nous accomplissons un grand pas en avant dans la résolution de problèmes mondiaux. Conclusion n° 3: il vaut mieux rendre des surfaces existantes à nouveau productives plutôt que de continuer à déboiser les forêts tropicales.

On oublie souvent: qu’ils soient petits paysans sur de petites parcelles ou exploitations agricoles aux millions de quintaux sur des milliers d’hectares: les producteurs de denrées alimentaires sont des entrepreneurs. Les solutions proposées doivent donc être judicieuses d’un point de vue non seulement écologique, mais aussi économique. Et les entrepreneurs veulent vivre d’abord de leurs revenus, et non de subventions. La production de denrées alimentaires doit permettre aux agriculteurs de subvenir à leurs besoins. En d’autres termes, c’est à eux de choisir la meilleure façon d’utiliser les ressources. L’efficacité des ressources au sens large du terme, et incluant le travail, l’énergie, le capital, le sol et les ressources naturelles. La politique agricole et la mise en œuvre de l’initiative parlementaire vont dans le sens diamétralement opposé: elles déresponsabilisent toujours plus les agriculteurs et octroient des subventions pour la non-production de denrées alimentaires, alors que la Constitution fédérale prône une production agricole qui préserve les ressources. Dans un contexte budgétaire déjà tendu du fait de la pandémie, du risque de pénurie d’électricité et des problèmes de financement de la prévoyance vieillesse. Conclusion n° 4: une agriculture qui préserve les ressources est une agriculture durable dans les trois dimensions.

Celui qui joue la carte de la durabilité ne peut être que gagnant. Le débat sur la durabilité a urgemment besoin d’être actualisé. La durabilité est pluridimensionnelle. Elle est plus qu’une cape dont on se drape à des fins de marketing. Elle inclut la protection climatique et la protection de la biodiversité. Sans productivité, l’agriculture bio aura un effet boomerang sur le plan social. Le retour à la dure réalité, avec des prix qui montent et une raréfaction de l’offre dans le monde, provoquera-t-il un sursaut en Suisse? Il faut l’espérer, y compris pour la préservation des ressources et pour le bien des générations futures.

La rédaction de swiss-food

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