Industry research for large-scale sustainability
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09.12.2022

Sécurité de l’approvisionnement seulement sur une base scientifique


Chère lectrice, cher lecteur,

La majorité rouge-verte de la ville de Zurich veut rendre l’agriculture climatiquement neutre. Ou, comme l’écrit le journal «NZZ» : « Pour atteindre l’objectif zéro émission nette, la Ville met le pet des bovins dans son viseur. » La production agricole en ville doit devenir aussi végétale que possible. Cependant, le concept pour cela reste à inventer. Et la question se pose de savoir si la transformation souhaitée est viable économiquement. Pour le directeur du FiBL, Knut Schmidtke, une telle reconversion n’est pas recommandée pour les exploitations classiques d’élevage. Elle ne l’est pas notamment lorsque les exploitations sont bio et que les bêtes sont nourries avec l’herbe de l’exploitation. Parfois, une reconversion est cependant possible. Avec pour conséquence que les produits laitiers et la viande ne proviennent plus de l’agriculture bio régionale.

Ces exigences vont à l’encontre des besoins des consommatrices et des consommateurs. Comme le révèle un sondage de l’Office fédéral de l’agriculture, le thème de la sécurité de l’approvisionnement a gagné en importance auprès de la population. Le sondage a été mené en marge du dernier Rapport agricole. De précédentes études avaient déjà indiqué que la provenance régionale est importante. Le Rapport agricole montre que le taux d’autosuffisance est en léger recul. Le repli s’explique par la croissance démographique, les pertes de récolte dues aux maladies fongiques de l’été humide de 2021 et l’augmentation du nombre d’exploitations bio extensives.

L’idée de la majorité rouge-verte zurichoise a un autre défaut. Les plantes cultivées sont menacées. Les moisissures, les ravageurs et des plantes concurrentes indésirables diminuent les rendements. Pour beaucoup, la vérité dérange : promouvoir une alimentation végétale suppose aussi de s’engager pour la protection des plantes. Car pour apporter une véritable contribution à l’approvisionnement, les plantes ont besoin d’être protégées. C’est que montrent aussi les ventes de produits phytosanitaires en Suisse en 2021. Le volume des ventes a augmenté. Cela n’a pas empêché l’Office fédéral de l’agriculture de titrer avec soulagement, dans un communiqué, que les risques concernant les produits phytosanitaires sont en baisse.

Rien n’est moins sûr. En 2021, les ventes de produits à base de cuivre ont doublé. Le cuivre est autorisé en agriculture biologique, et il est aussi utilisé dans les exploitations conventionnelles en raison de la disparition d’autres fongicides. Dans une note de bas de page accompagnant la statistique sur le volume des ventes, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) écrit : « Selon le Plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires, les substances actives présentant un potentiel de risque particulier sont (…) les substances persistantes dans le sol (DT50 > 6 mois). » C’est le cas du cuivre. Même si cette réalité est habillement voilée. La hausse de 106 pour cent des ventes des produits à base de cuivre signifie que le chiffre d’affaires d’un produit présentant un potentiel de risque particulier a plus que doublé. On relèvera aussi avec ironie que les produits à base de cuivre, les produits soufrés et l’huile de paraffine, qui continuent à être autorisés en bio et dont les ventes ont augmenté en 2021, sont tous des produits de synthèse ou ont été fabriqués à partir de substances issues de processus de synthèse. Le mantra du « naturel » a du plomb dans l’aile.

On ne peut pas en vouloir aux agriculteurs. Pour garantir une agriculture productive et la sécurité de l’approvisionnement, ils ont besoin d’instruments de protection des cultures. Sinon, les pertes de nourriture débutent déjà dans les champs. Lorsque les autorisations de nouveaux produits phytosanitaires tardent à venir, ils n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers de vieux remèdes.

Le mois dernier, l’ « Aargauer Zeitung » demandait si les cortèges de lanternes sculptées dans des raves d’automne, une coutume de Suisse alémanique qui a lieu traditionnellement le deuxième week-end de novembre, ne risquaient pas disparaître. Comme d’importants produits phytosanitaires sont retirés du marché, il est toujours plus difficile de protéger les raves des parasites et des maladies. Le rapport en question fait aussi l’objet d’un résumé sur swiss-food.ch. De plus, l’absence de fongicides a une influence défavorable sur la taille des citrouilles, comme le relate le blog de la ferme Jucker spécialisée dans la culture de la courge. Or, pour Halloween, les consommateurs veulent de belles grosses citrouilles.

La culture du chou de Bruxelles recule en Suisse. Car les produits phytosanitaires autorisés sont toujours moins nombreux. La mouche du chou et la mouche blanche donnent du fil à retordre aux maraîchers suisses. Les larves de la mouche blanche sucent la sève des plantes et laissent du jus sucré non digéré sur les légumes. Celui-ci se transforme en « miellat », un dépôt collant qui se forme sur les rosettes de choux de Bruxelles. La fumagine, une maladie cryptogamique, en profite pour se développer et noircir les légumes. Les grands distributeurs et les consommateurs n’en veulent pas et se tournent vers les produits d’importation. Le taux d’autosuffisance diminue et les agriculteurs suisses n’ont plus que les yeux pour pleurer.

Selon la « BauernZeitung », la Confédération interdira toute une série de substances actives dès 2023. Les interdictions toucheront d’importantes cultures, comme celles du maïs, du colza, du tournesol, des petits pois et de la betterave sucrière. Associées à la lenteur des procédures d’autorisation des nouveaux produits phytosanitaires, elles mettront à mal la productivité de l’agriculture. Les dégâts aux cultures augmenteront. Des ressources (capital, énergie, terre et travail) seront gaspillées.

Actuellement, environ 700 produits phytosanitaires sont en attente d’une autorisation de la Confédération, écrit le quotidien fribourgeois « La Liberté ». Faisant référence à une interpellation du député thurgovien UDC au Conseil des États, Jakob Stark, le quotidien indique qu’en 2021, les vignerons allemands ont mieux pu protéger leurs vignobles du mildiou que leurs voisins schaffhousois. Et ce grâce à un nouveau produit phytosanitaire déjà autorisé dans l’UE. Dans le même temps, en Suisse, les demandes d’autorisation s’accumulent. Il est absurde que les autorités à Berne veuillent procéder elles-mêmes aux contrôles lorsqu’une pléthore d’experts européens ont déjà effectué les contrôles nécessaires en application des normes internationales. Et lorsque les ONG suisses arrivent à bloquer pendant des années l’autorisation de ces produits phytosanitaires uniquement en critiquant ces mêmes normes internationales. Le relèvement du nombre de fonctionnaires affectés à cette tâche qui est demandé dans le budget 2023 est de peu d’utilité. L’asymétrie en la matière est particulièrement frappante : lorsque l’UE retire un produit phytosanitaire du marché, la Suisse lui emboîte aussitôt le pas. Cet automatisme n’existe pas lorsque l’UE autorise de nouveaux produits.

Après la pandémie de coronavirus, le Conseil suisse de la science tire la conclusion que la science doit être davantage considérée dans l’élaboration des politiques publiques, en particulier en temps de crise. Entre autres événements cités figurent les guerres, les épidémies, le réchauffement climatique, les flux migratoires et les pénuries de toutes sortes. « Ce que nous observons aujourd’hui n’est pas une crise, mais plusieurs qui interagissent de manière complexe. Il faut donc renforcer à différents niveaux le rôle de la science dans la politique », explique Sabine Süsstrunk, présidente du Conseil suisse de la science. La science est à la base de l’innovation. Dans l’agriculture non plus, elle ne doit pas être ignorée.

Une chose est sûre : la science jouera un grand rôle sur la voie d’un système alimentaire durable. Et il le faut. Car la population mondiale s’accroît. Pour nourrir la planète, il faudra produire jusqu’à 50% d’aliments en plus sur une surface agricole en diminution. Pour cela, la science devra rester au cœur des décisions politiques, à l’avenir aussi. Les réglementations doivent viser à minimiser le plus possible les risques et, simultanément, à encourager le progrès et l’innovation. Faute de quoi, les exigences légitimes de la population pour des aliments sûrs, sains, goûteux et d’un prix abordable ne seront pas compatibles avec les objectifs environnementaux et climatiques.

Comme l’explique le chercheur en sciences végétales Etienne Bucher dans le «Tages-Anzeiger» : « Sans le génie génétique, nous perdons du temps ». La sélection classique ne permet pas, à elle seule, d’augmenter encore les rendements à l’ère du changement climatique : « Le climat change rapidement, nous devons aider les plantes à s’adapter rapidement au changement. Avec la sélection classique, cela prend trop de temps. Il faut environ 15 ans pour sélectionner une nouvelle variété. C’est aussi la raison pour laquelle il n’est plus possible d’augmenter les rendements avec la sélection classique. »

C’est aussi pourquoi les nouvelles techniques de sélection végétale font beaucoup parler d’elles. Comme le terme est nouveau et que plusieurs définitions circulent, nous avons précisé quelques notions sur swiss-food.ch. Les arguments avancés contre les nouvelles techniques de sélection végétale sont toujours les mêmes. Nous avons donc rassemblé les dix principaux arguments en faveur des nouvelles techniques de sélection végétale dans un document rédigé sous la forme d’une série de questions-réponses.

Les progrès dans le domaine de la sélection végétale se manifestent aussi de plus en plus dans la vie de tous les jours. Le changement climatique aggrave la sécheresse. En Argentine, un blé résistant à la sécheresse a été autorisé en 2021, où il est depuis cultivé. Aux Philippines, les premières tonnes de riz doré viennent d’être récoltées. Ce riz possède un gène de bêta-carotène que le corps humain transforme en vitamine A. L’espoir est de voir ce riz remédier à la carence en vitamine A qui sévit dans les pays en développement. La mortalité infantile pourra ainsi diminuer. Et l’on préviendra aussi la cécité infantile, chez des millions d’enfants. Pour Ingo Potrykus, le chercheur de l’EPFZ qui avait eu l’idée en 1992 d’enrichir le riz en vitamine A, la victoire de la science sur l’idéologie représente une grande source de satisfaction, écrit la NZZ. Lui-même et nombre de ses collègues restent néanmoins furieux contre Greenpeace qui, en menant une bataille acharnée contre le riz doré, a empêché de préserver la vue ou de sauver des millions d’enfants. L’EPFZ ne reste pas immobile et a déjà développé des variétés de riz et de blé génétiquement modifiées enrichies non seulement en bêta-carotène, mais aussi en zinc et en fer, essentiels pour les femmes enceintes et les mères dans les pays en développement. Car c’est un fait : dans de nombreuses régions du monde, les êtres humains souffrent de malnutrition ou de dénutrition parce qu’ils n’ont pas les moyens d’acheter des fruits et des légumes. Des aliments optimisés, enrichis en micronutriments joueront un grand rôle pour l’alimentation durable de la population mondiale. C’était aussi le thème du dernier Swiss-Food Talk.

Pour conclure : ce n’est pas parce que nous avons les moins d’acheter des fruits et légumes que nous devrions opposer des méthodes qui permettent à des populations moins privilégiées d’accéder à des alternatives saines. Et ce n’est pas parce que nous pensons pouvoir de toute façon tout importer que nous devrions renoncer à des solutions phytosanitaires modernes pour notre agriculture. Enfin et surtout, ce n’est pas en raison d’une prétendue supériorité qu’il appartiendrait à l’UE et à la Suisse de dire aux autres pays comment protéger leurs cultures. Le climat, les plantes cultivées et les variétés agricoles varient d’une région à l’autre, et il existe donc de bonnes raisons pour lesquelles des produits ne sont pas annoncés en vue d’une autorisation en Europe ou pour lesquelles leur autorisation n’est pas prolongée. Écouter la science plutôt que les groupes d’activistes qui n’ont aucune solution à proposer, qui se contentent de mener des campagnes pour des interdictions d'exportation et qui empêchent les innovations grâce au droit de recours des associations, serait un premier pas dans la bonne direction.


La rédaction de swiss-food

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