L'industrie exporte-t-elle des pesticides interdits ?

L'industrie exporte-t-elle des pesticides interdits ?

À intervalles réguliers, les médias colportent l’histoire selon laquelle les fabricants suisses de produits phytosanitaires exporteraient des substances actives interdites en Suisse. Ils exploiteraient habilement les failles réglementaires des pays d’exportation. Ces allégations sont démenties par les faits. L’exportation de produits phytosanitaires par des entreprises en Suisse obéit à des standards internationaux très stricts. De plus, il existe des produits qu’il ne sert à rien d’autoriser en Suisse.

jeudi 25 mai 2023

Le principe fondamental est le suivant: l’approbation d’un bien d’exportation dépend des dispositions du marché de destinations. Lorsque ces dispositions ne se recoupent pas complètement avec celles du pays exportateur, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’exportations interdites. Un exemple clair et simple : la Suisse se trouve dans une zone climatique où il n’est pas possible de cultiver la banane. La banane est aussi souvent exposée à des parasites et à des maladies qui sont inconnues sous nos latitudes. Pour cette raison, aucun produit phytosanitaire intéressant la culture de la banane n’est enregistré et autorisé en Suisse. Les substances actives ne sont enregistrées et autorisées que dans les pays où elles sont utiles en fonction des plantes qui y sont cultivées.

Grand avantage

De tels produits phytosanitaires présentent des avantages dans d’autres pays et leur exportation est absolument opportune, tout comme leur production en Suisse : la Suisse est un pays exportateur - plus de 98 pour cent des produits des sciences du vivant sont exportés. Ce secteur économique est le plus important et celui qui connaît la croissance la plus rapide en Suisse. Il est un élément important de la prospérité créée en Suisse et pour la Suisse. Et il contribue également à la sécurité d'approvisionnement de la population en biens essentiels en temps de crise. Les entreprises produisent ici parce qu'elles peuvent exporter. En effet, le marché suisse seul serait bien trop petit.

Des standards élevés

On entend également souvent dire que les entreprises profiteraient des réglementations plus faibles existant dans les pays en développement pour y commercialiser des produits interdits. Ce reproche ne tient pas non plus. Syngenta, par exemple, ne vend des produits phytosanitaires à l’étranger que si ces produits sont autorisé dans au moins un pays de l’OCDE ou s’ils disposent d’un dossier complet de données réglementaires basées sur les lignes directrices sévères de l’OCDE. Les membres de CropLife International (faîtière internationale de l'industrie des sciences végétales), entre eux Syngenta et Bayer, soutiennent le Code de conduite international sur la gestion des pesticides de la FAO et de l’OMS.

Procédures d'autorisation strictes

Les produits phytosanitaires font partie des substances chimiques les mieux étudiées et les plus strictement réglementés. Ils ne sont autorisés qu’au terme d’une longue procédure, basée sur des données complètes de sécurité et d'efficacité. Les entreprises de l’agrochimie spécialisées dans la recherche se conforment à toutes réglementations et aux normes de sécurité. Tous les produits ne sont pas tous utiles partout.

Fausse accusation

On reproche aussi aux entreprises productrices et exportatrices en Suisse d’exporter des pesticides interdits en Suisse pour des raisons sanitaires ou environnementales. Et ce, sur la base de l’annexe 1 de l’OPICChim, l’ordonnance d’application de la Convention de Rotterdam. Une autorisation peut être retirée pour différentes raisons, que le Conseil fédéral a énumérées dans une réponse à une interpellation parlementaire. Le passage en question (chiffre 2 de la réponse du Conseil fédéral) est reproduit ci-après:

2. Les raisons liées au retrait d'une autorisation sont multiples. Une autorisation échoit si aucune demande de renouvellement n'est déposée. L'autorisation d'un produit est retirée lorsqu'il contient une substance active qui doit être réévaluée selon les dispositions de l'article 9 de l'ordonnance sur les produits phytosanitaires (OPPh; RS 916.161) et pour laquelle aucune demande de réévaluation n'a été déposée. Une autorisation est également retirée sur demande de son détenteur. Finalement, une autorisation est retirée lors de son réexamen si les conditions actuelles pour son octroi ne sont plus remplies. Dans ce dernier cas, le détenteur de l'autorisation est entendu. Suite à la décision du Tribunal fédéral du 12 février 2018 d'accorder le droit de recours aux organisations de protection de l'environnement, ces dernières auront également la possibilité de s'exprimer sur ces décisions.

Selon la Convention de Rotterdam, les exportations de substances interdites ou soumises à d’importantes restrictions dans l’État exportateur doivent préalablement être annoncées au pays destinataire. Cette obligation concerne aussi les substances qui ne sont pas visées par une décision basée sur une évaluation des risques, mais qui ont été retirées pour d’autres raisons sur la base d’indices signalant un danger pour l’être humain et l’environnement. Dans ce cas, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) statue sur la base de la classification de la substance, qui renseigne uniquement sur une certaine propriété d’une substance, mais non pas sur son risque lorsque l’on y est exposé dans des conditions d’utilisation réalistes (voire difference entre risque et danger). Dans la réponse à l’interpellation parlementaire ci-dessus, le Conseil fédéral explique comment les substances actives sont inscrites dans l’annexe 1 de l’OPICChim:

7. L’annexe 1 de l’ordonnance PIC (OPICChim; RS 814.82) (…) comprend entre autres les substances actives qui ne sont pas dans la liste des substances actives autorisées comme produits phytosanitaires selon l’annexe 1 de l’OPPh et qui remplissent les critères suivants:

– Il n'existe pas d'autorisation pour les substances sur la base d'une évaluation des risques pour la santé humaine et l'environnement ;

– Les substances sont classées dans certaines catégories spécifiques de danger pour la santé humaine ou l’environnement et

– Il est présumé qu’une exportation de ces substances peut avoir lieu.

En clair: une substance active peut être inscrite dans l’annexe 1 l’OPICChim pour différentes raisons. L'affirmation selon laquelle toutes les substances énumérées "sont interdites en Suisse en raison d'un risque pour la santé humaine et l'environnement" n'est pas correcte.

L'éclairage

Une production agroalimentaire durable intégrale et une alimentation saine sont des thèmes complexes qui doivent être contemplés sous différents angles. Les réalités qui dérangent n’ont toutefois souvent pas droit de cité dans le débat public. Nous révélons au grand jour ce que d’autres préfèrent garder dans l’ombre. Et mettons ainsi en lumière les conflits d’intérêt.

Articles similaires

Action collective pour l'interdiction de produits phytosanitaires
La protection phytosanitaire Actualité

Action collective pour l'interdiction de produits phytosanitaires

Un produit de traitement des semences qui a fait ses preuves ne peut plus être utilisé suite à une décision de la Cour de justice européenne. En conséquence, la récolte de citrouilles en Styrie autrichienne a été pratiquement entièrement détruite.

Parce que les plantes ont besoin d'être protégées contre les parasites et les maladies
La protection phytosanitaire Savoir

Parce que les plantes ont besoin d'être protégées contre les parasites et les maladies

La santé de nos plantes utiles ne va pas de soi. Au contraire : dans notre monde marqué par la mobilité, les ravageurs et les maladies des plantes se répandent comme une traînée de poudre. Le changement climatique agit comme un accélérateur. Lorsque les ravageurs migrent et que de nouvelles maladies végétales s'établissent sous nos latitudes, elles peuvent devenir un danger pour les espèces indigènes.

Produits phytosanitaires : des interdictions à tout-va
La protection phytosanitaire Actualité

Produits phytosanitaires : des interdictions à tout-va

En Suisse, de plus en plus de produits phytosanitaires sont retirés du marché. En parallèle, les autorisations de mise sur le marché sont délivrées au compte-goutte. Les autorités chargées de la délivrance des autorisations sont débordées de toutes parts. Cette situation est à terme intenable. Car chaque produit qui disparaît du marché augmente le risque de formation de résistances et de perte de récoltes.

«Biologicals»: les agents biologiques issus de la recherche
Recherche La protection phytosanitaire

«Biologicals»: les agents biologiques issus de la recherche

Les produits phytosanitaires modernes doivent être sûrs, ciblés et à courte durée de vie. Ils doivent donc se dégrader peu après avoir atteint leur objectif sans laisser de produits de dégradation biologiquement actifs.

Autres contributions dans La protection phytosanitaire