Andreas Wyss a ensuite abordé un exemple d’actualité : des valeurs légèrement élevées de la substance 1,2,4-triazole ont récemment été mesurées dans le lac Léman. Mais à quel point cela est-il réellement dangereux ? Il cite un communiqué commun des autorités cantonales de Vaud, Genève et Valais, selon lequel il faudrait boire jusqu’à 900 litres d’eau par jour pour atteindre une dose nuisible. Ce chiffre démontre à quel point les marges de sécurité sont grandes. Pour Michael Beer, les préoccupations restent néanmoins légitimes : « La société doit décider dans quelle mesure elle souhaite protéger son eau potable et quels risques elle accepte – et lesquels elle n’accepte justement pas. »
Pour que la population puisse justement prendre de telles décisions, elle dépend d’une communication transparente, estime Sara Stalder, directrice de la Fondation pour la protection des consommateurs. Elle relativise toutefois l’ensemble du débat. Dans la population, elle ne constate aucune panique liée aux valeurs limites. « Beaucoup de personnes ne savent même pas ce que signifient les valeurs limites », explique-t-elle. Bien plus grave, selon elle, est l’incertitude provoquée par les gros titres actuels : « Les consommatrices et consommateurs ne savent jamais quoi croire. Une étude affirme qu’une valeur est très mauvaise pour la santé, puis une autre prouve exactement le contraire. » L’essentiel est de ne pas induire les consommateurs en erreur. « En Suisse, beaucoup partent du principe que ce qu’ils mangent et boivent est de bonne qualité. » Et si l’agriculture est immédiatement montrée du doigt en cas de dépassement de valeurs limites, c’est parce que l’application des produits phytosanitaires est très visible – contrairement, par exemple, aux résidus issus des cosmétiques.
Des interdictions peuvent créer de nouveaux problèmes
Dominique Werner, de scienceindustries, a mis en garde contre des réactions hâtives et des décisions politiques précipitées : « Les interdictions résolvent rarement les problèmes – elles en créent souvent de nouveaux, car les alternatives ne sont pas forcément meilleures ou plus durables. L’innovation ne naît pas d’interdictions, mais de la volonté d’amélioration continue propre à l’industrie de la recherche. »
Selon Dominique Werner, l’industrie a tout intérêt à réduire les émissions et à trouver des solutions. « Les substances chimiques dangereuses ne sont utilisées que lorsqu’elles sont réellement nécessaires. Nous aussi, nous voulons de l’eau propre et des produits sûrs. »
Il a rappelé que l’industrie fait aussi partie de la société : « Nous sommes tous des consommateurs. Et nous ne voulons pas, nous non plus, laisser des problèmes à nos enfants. »
Entre science et perception
Les trois intervenants étaient unanimes sur un point : les méthodes d’analyse modernes permettent aujourd’hui de mesurer des traces infimes. Mais plus les valeurs sont petites, plus la communication devient difficile. « Nous devons nommer clairement les incertitudes », affirme M. Beer. « C’est ainsi que l’on crée la confiance. »
Cette discussion passionnante a été suivie d’une session de questions du public. La soirée s’est poursuivie autour d’un apéritif dînatoire, où l’on a encore débattu des valeurs limites, de la responsabilité et de la confiance.