Rien qu'en Allemagne, près de 7 000 laboratoires travaillent chaque jour sur des virus, des bactéries, des plantes et des animaux à l'aide du génie génétique. À cela s'ajoutent des milliers de laboratoires et d'instituts de recherche qui utilisent le génie génétique à des fins diagnostiques et analytiques. Le génie génétique fait partie du quotidien de centaines de milliers de personnes.

Ces personnes sont confrontées chaque jour à un affront : lorsqu'elles se rendent au supermarché, elles voient les autocollants verts « sans OGM » sur les emballages de lait, de yaourts, d'œufs, de viande, de pâtes et de centaines d'autres produits de consommation courante, comme si le génie génétique était nocif et dangereux et que leur travail était hautement contestable.

Lorsqu'on demande aux clients ou au gérant du magasin ce que signifie le label « sans OGM », la plupart d'entre eux ne le savent pas. « Il n'y a pas de gènes dedans » ou « Les vaches/poules/œufs ne sont pas génétiquement modifiés » sont les réponses habituelles. Mais tout le monde est d'accord : « C'est sûrement plus sain ou meilleur, sinon ça ne serait pas indiqué. » Le scepticisme à l'égard du génie génétique est profondément ancré.

Ce n'est pas étonnant, car pendant des décennies, le public a été abreuvé de mots tels que « contaminé génétiquement », « génétiquement modifié », « soja génétiquement modifié » et « maïs Frankenstein », et rares sont les articles sur le génie génétique qui ne comportent pas le symbole « Biohazard » et des photos montrant des épis de maïs monstrueux ou des militants en combinaisons de protection contre les attaques chimiques devant des champs de céréales.

Le génie génétique fait partie du quotidien

Cela n'a pas grand-chose à voir avec la réalité. Le génie génétique est tout aussi indispensable à l'industrie et à l'artisanat qu'aux laboratoires de recherche et aux ménages ordinaires.

Prenons l'exemple de la famille Müller : le génie génétique est présent dès le matin dans la salle de bain, lorsque le père, la mère et les enfants se lèvent, prennent leur douche et se brossent les dents. De nombreux produits cosmétiques – gels douche, additifs pour le bain, savons liquides, crèmes hydratantes, etc. – contiennent des substances de base produites par des micro-organismes génétiquement modifiés : acide laurique, glycérine, amidon et vitamines, qui sont censés hydrater la peau, la rajeunir ou la protéger contre les dommages. Même le papier toilette a été fabriqué à l'aide du génie génétique : des enzymes issues de bactéries génétiquement modifiées blanchissent le papier sans chlore, décomposent la résine contenue dans le bois ou éliminent l'encre d'imprimerie du papier recyclé.

Passons maintenant aux vêtements. Il fait un peu frais, alors ma fille choisit son nouveau jean délavé et son pull en coton préféré. Tous deux contiennent des OGM, même si le coton n'a pas été filé à partir de plantes génétiquement modifiées : l'effet délavé du jean, autrefois obtenu à l'aide de pierres et de beaucoup d'eau (600 grammes de pierres par pantalon !), est aujourd'hui obtenu de manière douce grâce à des enzymes génétiquement modifiées. Cela permet de réduire les coûts environnementaux de plus de 50 % et de ne plus produire pratiquement aucune substance nocive.

Le pull, dont le tissu a déjà été en contact avec des enzymes génétiquement modifiées lors de sa fabrication (lors du désencollage), a été lavé avec des lessives qui, grâce à des enzymes génétiquement modifiées, éliminent efficacement les taches sans détachant et à basse température. Selon les estimations, le génie génétique dans les lessives permet d'économiser 87 milliards de litres et 7,6 milliards de kWh d'énergie par an rien qu'en Allemagne. De plus, les enzymes lissent les fibres et empêchent ainsi le boulochage. Ainsi, votre pull préféré reste plus longtemps présentable et peut donc être porté plus longtemps. La veste en cuir de papa a également été traitée génétiquement pour faciliter le tannage et assouplir le cuir. Des enzymes produites par génie génétique, telles que les protéases et les lipases, éliminent les résidus de cheveux et de tissus. Elles réduisent ainsi l'utilisation de produits chimiques agressifs et la consommation d'eau pour le rinçage et le nettoyage.

Le génie génétique fait également partie du quotidien au petit-déjeuner : le pain, le fromage, la charcuterie, les pâtes à tartiner végétaliennes, les jus de fruits, etc. y ont depuis longtemps recours. La cystéine rend la pâte à pain et à petits pains plus malléable et plus aérée. Autrefois, cet acide aminé était fabriqué à partir de cheveux, de plumes ou de poils. Aujourd'hui, il provient de cuves en acier inoxydable dans lesquelles des micro-organismes génétiquement modifiés le produisent sur mesure. Ces microbes produisent également la présure utilisée dans la fabrication du fromage. Autrefois, on dépendait pour cela des estomacs de veaux provenant des abattoirs. Des enzymes produites par génie génétique rendent la saucisse tendre et clarifient les jus de fruits. Par ailleurs, il y a de fortes chances que les animaux transformés en saucisses aient consommé au cours de leur vie des aliments issus de plantes dont les propriétés ont été modifiées par génie génétique.

Mais les produits végétaliens que préfère sa fille contiennent également des substances produites par génie génétique : enzymes, arômes, vitamines, émulsifiants, caséine, hème et ovalbumine sont produits par des bactéries et des levures génétiquement modifiées.

Le lait diététique que boit son frère intolérant au lactose a été rendu sans lactose grâce à des enzymes produites par génie génétique. Et l'édulcorant de son grand-père, qui traite son diabète avec de l'insuline issue de bactéries génétiquement modifiées, est composé d'acides aminés produits par génie génétique.

Sur les quelque 400 enzymes autorisées dans l'industrie alimentaire de l'UE, près de la moitié sont actuellement produites par des micro-organismes génétiquement modifiés. Le chiffre d'affaires des enzymes produites par génie génétique s'élève à environ 460-640 millions d'euros en Europe.

Automobile et transports

Le génie génétique accompagne également la famille sur le chemin du travail et de l'école. Le bioéthanol présent dans l'essence et le biodiesel des bus ne peuvent être produits sans enzymes génétiquement modifiées qui décomposent la paille et les déchets de bois. Même si le bioéthanol provient de plantes énergétiques telles que le maïs ou la betterave sucrière, ces enzymes entrent en jeu.

Même la voiture électrique que la famille souhaite acheter prochainement ne peut se passer d'enzymes et de composants issus du génie génétique : le cuivre, le lithium, le cobalt et le nickel sont purifiés à l'aide de tensioactifs biosynthétiques ou de chélateurs microbiens, les revêtements intérieurs, les garnitures et les matériaux isolants sont fabriqués à partir de bioplastiques issus du génie génétique et les lubrifiants contiennent des additifs génétiquement modifiés. Même dans la production de batteries, des enzymes ou des produits chimiques génétiquement modifiés sont utilisés dans les processus de nettoyage et de revêtement.

Manque de transparence

Tous ces produits ne sont pas soumis à l'obligation d'étiquetage, car ils ne contiennent plus aucune trace des organismes utilisés. Le lait, la viande ou les œufs provenant d'animaux nourris avec du maïs ou du soja génétiquement modifiés ne doivent pas non plus être étiquetés, car ni le lait, ni les œufs, ni la viande ne contiennent de traces de ces plantes.

Le label « sans OGM » n'a donc aucune signification, car même les produits qui ont été en contact avec des OGM au cours de leur production ne contiennent plus aucune trace détectable, même avec les analyses les plus poussées.

De plus, les animaux dont proviennent le lait, le yaourt, les œufs ou la viande « sans OGM » peuvent très bien avoir été nourris avec des aliments « génétiquement modifiés ». Seule une période de carence pendant laquelle les aliments doivent être « sans OGM » s'applique. Cette période est de quelques semaines ou mois selon l'espèce animale et l'utilisation (lait, œufs, viande). Pendant cette période, les animaux doivent avoir reçu des aliments conventionnels.

D'autres produits portant le label « sans OGM » peuvent également contenir des OGM. L'organisation qui attribue le label exploite une lacune juridique : la loi stricte de l'UE sur les OGM ne concerne en effet que les nouvelles techniques génétiques, et non les anciennes, qui consistent à modifier ou à transférer des gènes à l'aide de rayonnements radioactifs ou de produits chimiques. Les anciennes techniques génétiques sont, comme l'a confirmé la Cour suprême, juridiquement assimilables aux nouvelles techniques, mais elles sont exemptées de toutes les obligations telles que l'étiquetage, la traçabilité, etc. Paradoxalement, les nouvelles techniques génétiques, précises et ciblées, dont on connaît les modifications, sont en revanche considérées comme risquées.

Anciennes et nouvelles techniques génétiques

Le problème sous-jacent est que ce type de génie génétique existait déjà depuis longtemps lorsque la loi a été adoptée. Au cours des décennies précédentes, il a été utilisé pour produire tellement de variétés de fruits, de légumes et de céréales qu'il est impossible d'en avoir une vue d'ensemble.

Les dérogations ont bien sûr été justifiées par le fait que l'ancienne technologie génétique non ciblée était utilisée depuis des décennies sans problèmes apparents. Elle a donc été déclarée sans détour sûre et sans danger, même si personne ne sait, pour ces plantes, quels milliers, voire dizaines de milliers de gènes ont été modifiés par ces méthodes, ni où et comment.

On sait par exemple que toutes les variétés de houblon et presque toutes les variétés de blé dur ont été produites à l'aide de ce type de génie génétique. À strictement parler, il n'existe donc pas de bière « sans génie génétique » ni de pâtes « sans génie génétique » et il faudrait plutôt indiquer « sans nouveau génie génétique ».

Même dans les magasins bio, on trouve donc de nombreux produits qui n'ont pu être fabriqués qu'à l'aide du génie génétique. Et quand on paie avec un billet de banque, on a du génie génétique entre les mains : les billets contiennent en effet du coton issu de plantes génétiquement modifiées.