29.05.2024
Opération réussie, patient à l'agonie
Chères lectrices, chers lecteurs
Une bonne communication est une affaire de chance. Cette affirmation est attribuée au spécialiste de la communication Paul Watzlawick. Une question de chance dans la mesure où la communication naît chez le destinataire. Toutefois, le communicateur n'est pas pour autant libéré de sa responsabilité. Au contraire : celui qui communique est toujours assis dans le «siège du conducteur», il se place au premier plan, modère les nuances et ne dit parfois pas tout. Celui qui communique ne peut pas se défausser. Il ou elle est responsable de ce qui se passe chez le récepteur. Deux exemples récents illustrent ce propos:
Communication 1 : dans le rapport intermédiaire sur la mise en œuvre du plan d'action phytosanitaire, le Conseil fédéral se réjouit que les risques pour l'environnement aient pu être nettement réduits dans notre pays. Le rapport a été publié le 8 mai 2024. Les agriculteurs sont encouragés à renoncer aux produits phytosanitaires grâce aux contributions au système de production (paiements directs). Et comme l'expliquent le directeur de l'OFAG Christian Hofer et le vice-directeur Bernard Belk lors d'une conférence de presse, la participation à ces programmes est «heureusement» très élevée.
Cette satisfaction est étayée par des chiffres : «Ainsi, les exploitations agricoles ont cultivé 19 pour cent (53'000 ha) de la surface totale des terres arables, des vignes et des vergers sans utiliser d'herbicides. En outre, les exploitations ont renoncé aux fongicides et aux insecticides sur environ un quart de la surface totale des terres arables (102'000 ha) (+10'000 ha par rapport à 2022)». Comme le fait remarquer avec pertinence la rédactrice en chef du BauernZeitung dans un commentaire, l'OFAG ne demande toutefois pas pourquoi les agriculteurs font cela. En effet, on peut se demander si l'OFAG se rend compte qu'il ne s'agit pas d'un passage à de tels systèmes de production sous l'impulsion du marché, mais de mesures étatiques.
L'Aargauer Zeitung résume ainsi la communication de la Confédération : «Grâce aux incitations financières de la Confédération, les agriculteurs pulvérisent de moins en moins de produits phytosanitaires dans leurs champs. Ce qui est bon pour l'environnement pose des problèmes à l'agriculture». La joie de participer aux programmes de réduction a un coût et est ternie : «Ces résultats sont certes réjouissants, mais il apparaît aussi que le retrait de certains produits phytosanitaires a créé des lacunes considérables dans la protection des plantes». Et cela pourrait bien être l'une des raisons de la participation active des agriculteurs au programme : s'ils ne peuvent plus utiliser de produits phytosanitaires, ils veulent au moins être indemnisés.
Dans son rapport intermédiaire sur la mise en œuvre du plan d'action phytosanitaire, le Conseil fédéral déplore lui aussi déjà que la protection des cultures soit devenue très exigeante. «L'autorisation a été retirée à de nombreuses substances actives et de nouveaux organismes nuisibles invasifs s'établissent en Suisse». Outre la réduction des produits phytosanitaires, la protection des cultures est en soi un objectif central du plan d'action. Or, c'est précisément cette protection qui n'est plus garantie. Selon la Confédération, la production agricole est confrontée à «des problèmes phytosanitaires croissants».
Et cela signifie qu’il faut importer davantage, si la production nationale diminue. C'est souvent le cas pour les choux de Bruxelles. La production d'huile de colza, présentée comme une alternative à l'huile de palme, est également touchée. Sans produits phytosanitaires, elle échoue en raison de la forte pression des ravageurs. Si la culture des endives ou des fruits à pépins est difficile dans notre pays, personne n'est gagnant. Les agriculteurs sont confrontés à une baisse des rendements et de la qualité en raison du manque de substances actives. La satisfaction liée à la réduction des produits phytosanitaires est ternie. Selon le «Blick» et le «Beobachter», le nombre croissant d'autorisations d'urgence pour les produits phytosanitaires est un indice du problème de la protection des plantes. Il a atteint un niveau record en 2023. En clair : on interdit les produits phytosanitaires efficaces ou on subventionne le fait d'y renoncer, mais lorsque des pertes de récolte menacent, on autorise des produits phytosanitaires d'urgence et on espère que les entreprises pourront les fournir.
Le revers de la politique de réduction n'échappe pas au Conseil fédéral. C'est pourquoi il demande : «En somme, pour à la fois protéger les cultures agricoles et donc assurer la production de denrées alimentaires, et préserver l'environnement, il faut impérativement disposer de nouvelles solutions». Seulement, cette exigence reste floue.
Le principe de l'espoir ne suffit pas. Si les produits phytosanitaires existants sont évincés du marché, il faut des alternatives. Les ravageurs ne deviennent pas moins voraces sur demande. Les moisissures ne cessent pas de se développer en appuyant sur un bouton. Il faut des solutions qui fonctionnent. Il est par exemple urgent de mettre à jour la procédure d'autorisation des nouveaux produits phytosanitaires modernes.
Les produits phytosanitaires les plus modernes sont mis au point par l'industrie dans le cadre d'une recherche et d'un développement coûteux qui s'étendent sur plusieurs années et d'un processus d'autorisation onéreux. Il est donc frappant de constater que le rapport intermédiaire sur la mise en œuvre du plan d'action passe totalement sous silence ces prestations et produits et ne présente comme solution que la recherche financée par l'État. Ce déni de réalité s'explique probablement par la lutte pour obtenir des programmes de soutien de l'État à une époque où les finances publiques sont en baisse.
Le fait est que l'industrie de la recherche travaille intensivement et continuellement au développement de substances actives innovantes. La recherche s'étend jusqu'à la plus petite molécule. Ce faisant, elle se livre à une course contre la montre permanente. Car les ravageurs, les agents pathogènes et les mauvaises herbes évoluent en permanence. Les agents pathogènes se modifient, de nouveaux migrent. Et des résistances se développent face aux produits éprouvés.
Une recherche intensive, mais aussi une réglementation qui favorise l'autorisation, sont nécessaires. Car c'est maintenant, et non un jour à l'avenir que les agriculteurs suisses ont besoin de nouveaux produits phytosanitaires efficaces. C'est pourquoi la procédure d'autorisation des produits phytosanitaires a besoin d'une «mise à jour». Le rapport intermédiaire conclut tout de même qu'une reprise des produits phytosanitaires autorisés dans des pays européens comparables pourrait apporter un certain soulagement aux agriculteurs.
L'Aargauer Zeitung ajoute que le Parlement met le doigt sur les points sensibles : «Une initiative parlementaire du conseiller national valaisan du Centre Philipp Bregy a déjà trouvé une majorité dans les deux commissions. Une intervention visant à autoriser les substances actives à faible risque dans le cadre du procédé « fast track » a également de bonnes chances d'aboutir». La Confédération estime que le plus grand besoin d'action se situe au niveau de la lutte contre les ravageurs pour le colza, les betteraves sucrières, les cultures maraîchères et fruitières – tous des produits que les consommateurs préfèrent issus de la production locale. De plus, selon la Confédération, il n'existe toujours pas de véritable alternative à l'utilisation du cuivre dans l'agriculture biologique, un métal lourd, qui s'accumule dans le sol et est nocif pour les organismes aquatiques.
Le plan d'action phytosanitaire veut réduire les risques pour l'environnement, mais occulte les risques liés à la non-utilisation des produits phytosanitaires. Les conséquences sont désormais visibles. La protection phytosanitaire est certes réduite, mais la protection des cultures est un échec. En d'autres termes, l'opération est réussie, mais le patient est en train de mourir.
Interdire tout en bloquant l'innovation, c'est aller droit dans le mur. Pour protéger les cultures, il faut toute la boîte à outils. En font partie l'autorisation rapide de produits phytosanitaires innovants, formulés avec précision et combinés à une application de précision, une offensive numérique pour la détection précoce ainsi que l'autorisation de nouvelles méthodes de sélection comme l'édition du génome. En médecine, il ne viendrait à l'idée de personne d'interdire les médicaments et de bloquer en même temps les innovations.
La communication du bilan intermédiaire du plan d'action phytosanitaire s'arrête à mi-chemin. La satisfaction de la réduction des produits phytosanitaires est ternie. La production nationale en souffre. Des solutions évidentes sont occultées.
Communication 2 : l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) annonce : «Valeur maximale pour le chlorothalonil dans l’eau potable : la sécurité du droit est rétablie. La consigne est donc claire pour les distributeurs d’eau potable : la concentration en produits de dégradation du chlorothalonil dans l’eau potable ne doit pas dépasser 0,1 microgramme par litre». Toutefois, le communiqué de l'OSAV ne se réfère qu'à un jugement secondaire du Tribunal administratif fédéral. Nous avons résumé les faits. Sous le titre «Sécurité juridique concernant la valeur maximale pour l'eau potable», l'OSAV suggère que le tribunal a pris une décision matérielle et que Syngenta a perdu dans le litige concernant l'interdiction du chlorothalonil. Ce n'est pas le cas. Le site de l'OSAV ne fait aucune mention du jugement encore attendu dans l'action principale. En fait, la décision matérielle principale concernant les valeurs limites de chlorothalonil n'a pas encore été rendue. Or, la sécurité juridique n'existe que lorsque le jugement principal est rendu.
La communication autour de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral est audacieuse, notamment parce qu'elle a des conséquences financières. Les premières communes se plaignent déjà. Et un lien central est passé sous silence. Comme le disait Paul Watzlawick : «On ne peut pas ne pas communiquer». Celui qui cache quelque chose en dit long.
Votre rédaction swiss-food