Industry research for large-scale sustainability
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19.07.2022

Le prix du pain


Chère lectrice, cher lecteur,

Durant la pandémie et le confinement, la farine de blé a connu un franc succès. Tout le monde voulait faire son propre pain. La farine et la levure se faisaient rares sur les étals. Le magazine féminin «Brigitte.de» conseillait certes un pain sans farine, mais de telles spécialités ne sont pas au goût de tout le monde.

Puis, l’été 2021 est arrivé. Et avec lui, la pluie et des températures plus fraîches que la normale. Les champs étaient victimes de moisissures. En Suisse, le blé a été fortement touché. Dans certaines régions, jusqu’à 90% de la récolte a dû être déclassée en raison de sa pauvre qualité. Ce blé ne pouvait donc être utilisé que comme fourrage. Ce problème de qualité était d’une part dû au faible poids à l’hectolitre (critère de qualité répandu) et à la germination prématurée et, d’autre part, aux mycotoxines, qui sont en partie cancérigènes. Les conséquences pour les consommateurs suisses : il a fallu augmenter les contingents d'importation de céréales. En raison de la mauvaise récole 2021, la Suisse a produit environ 30% de céréales panifiables en moins. Outre les meilleurs blés tendres, les céréales bio et l’épeautre se faisaient rares. Cette hausse des importations reflète une tendance à l’échelle européenne. L’UE comme la Suisse ne contribuent que peu à l’alimentation mondiale. L’UE importe 11% de calories en plus que ce qu’elle exporte dans le monde. Elle ne contribue donc pas à la sécurité alimentaire mondiale. Et avec le Green Deal prévu, elle va importer encore plus.

Puis, la guerre en Ukraine a éclaté. L’invasion de ce pays par la Russie a interrompu l’approvisionnement mondiale en blé. Les consommateurs paient leur pain plus cher. En Ukraine, certains silos sont pleins, mais les matières premières ne peuvent plus être exportées en raison du blocus de la mer Noire. Selon les Nations Unies, quelque 25 tonnes de céréales déjà récoltées ne pourraient quitter l’Ukraine en raison de la guerre.

Les répercussions pour les agriculteurs en Ukraine: pas de revenu. Ils ne peuvent donc pas acheter de semis, de diesel ou de produits de protection des plantes en vue de la récolte 2023, comme l’explique Josef Schmidhuber, de la FAO, à l’émission SRF International. L’agriculture est financée par les crédits; la perte de revenus due à la guerre et aux problèmes de logistique se propage donc comme une onde de choc pour les récoltes de demain. La communauté internationale doit ainsi tout mettre en œuvre pour que les crédits soient à nouveau versés. Sinon, l’approvisionnement mondial deviendra encore plus précaire.

David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial (PAM) de l’ONU, déclare: «Au total, l’Ukraine produit de la nourriture pour 400 millions de personnes dans le monde. Jusqu’à maintenant, le PAM achetait 50% de son blé dans ce pays, ce qui lui permettait de nourrir 125 millions de personnes.» L’indice FAO des prix des produits alimentaires montre à quel point la guerre se répercute sur les prix de l’alimentation à l’échelle mondiale:l’année dernière, le prix moyen des produits alimentaires dans le monde a augmenté de presque 50% par rapport à 2020.

L’Égypte, en particulier, souffre de cette crise alimentaire. Le premier ministre égyptien Moustafa Madbouli s’est exprimé dans les colonnes de la NZZ: «Nous subissons notre pire crise depuis un siècle.» La guerre en Ukraine menace la sécurité alimentaire de tout le continent africain.

Mais ce n’est pas tout. Une vague de chaleur en Inde renforce encore la crise alimentaire mondiale. Le pays s’attend à une baisse de 6% de ses cultures. Nous l'avons déjà signalé dans notre dernière newsletter. À l’échelle mondiale, l’Inde est le deuxième producteur de blé. Elle a ainsi annoncé un arrêt des exportations de cette céréale. Cette suspension des exportations a certes été réduite par la suite, mais elle a mené à un choc financier sur les marchés mondiaux. Et l’Inde ne peut guère jouer le rôle de l’Ukraine en termes d’approvisionnement. La télévision suisse alémanique a aussi thématisé la crise. L'espoir est tout de même que, selon la NZZ, il se pourrait que les récoltes de blé dans des pays tels que l’Australie ou le Brésil soient suffisantes pour remplacer les réserves victimes de la guerre.

À l’échelle mondiale, les périodes de sécheresse sont plus fréquentes et plus longues. Une équipe de chercheurs du centre de recherche environnemental Helmholtz est parvenue à la conclusion que la sécheresse de 2018 à 2020 a été la pire des 250 dernières années. Le réchauffement climatique pourrait entraîner des périodes de sécheresse durant jusqu’à deux décennies. Cela aurait de graves répercussions sur l’agriculture et la sécurité alimentaire. Sur le continent africain, environ un tiers des humains vivent sans accès à un approvisionnement en eau sûr . Selon l’ONU, même les régions les plus riches en eau du continent souffrent de cette insécurité. Mais l’Europe est aussi concernée. Par exemple en Italie, où le Pô est bientôt réduit à un ruisseau et où le riz se flétrit. La télévision allemande ZDF a parlé des causes.

Le tout cause une augmentation des prix. Mais pour les paysans, la récolte a un goût amer. Malgré l’augmentation massive des coûts de production, une part trop faible du supplément payé par les consommateurs finaux leur revient. Le BauernZeitung en a parlé à plus d’une reprise. L’Union suisse des paysans rappelle aussi qu’un tiers des coûts supplémentaires ne sont pas couverts à ce jour. Comme l’été 2021 l’a montré, les céréales sont sujettes aux maladies par temps humide, surtout si elles ne sont pas protégées par des produits phytosanitaires. Le fait est que le blé exempt de pesticides ne peut être réalité que par beau temps. Le pain «beau temps» n’est pas un concept viable. Le pain est un aliment de base qui ne saurait devenir un produit de luxe. Des millions de personnes en ont besoin pour vivre. Il doit être exempt de moisissures et abordable. Au vu des difficultés d’approvisionnement, une production régionale stable est importante. La stratégie énergétique montre à quel point une pure stratégie d’importation est limitée. N’ôtons pas le pain de la bouche de ceux qui en ont le plus besoin.

La récolte de blé des paysans est plus faible en raison de la météo, mais aussi des décisions politiques. La production extenso et l’agriculture biologique réduisent les quantités récoltées. La dépendance de l’étranger augmente. Dans l’Union européenne, la production extensive est encouragée par le Green Deal. Cela mène à une réduction de la production agricole, des revenus des agriculteurs et des surfaces cultivées. Et pourtant, l’UE importe plus de produits agricoles et les consommateurs doivent passer à la caisse. La consommation des terres agricoles augmente elle aussi. Plusieurs études le démontrent.

Les moisissures ont représenté un grave problème dans la viticulture également. Comme l’écrit le conseiller d’État Jakob Stark dans la «BauernZeitung», cela a mené à une situation singulière à Schaffhouse. Les viticulteurs allemands, juste de l’autre côté de la frontière, pouvaient recourir à un nouveau fongicide alors que les Suisses, eux, subissaient des pertes de culture parfois totales. Ce produit n’est pas encore disponible dans notre pays, car les processus d’autorisation sont lents. En terres helvètes, les pertes furent marquées. Et plus d’un produit phytosanitaire est concerné. L’approbation de produits très spécifiques et donc respectueux de l’environnement est au point mort. Depuis des années, un grand nombre de nouveaux produits attendent le feu vert des autorités ou sont victimes du droit de recours des organisations.

Dans un même temps, de plus en plus de produits phytosanitaires sont retirés du marché, alors qu’ils sont nécessaires à des cultures comme les betteraves sucrières, le colza ou diverses sortes de légumes. Souvent, il n’y a aucune alternative. De nombreux agriculteurs ne savent plus comment protéger leurs cultures de manière adaptée. Et pourtant, la solution est à portée de main. Un grand pas en avant serait fait si la Suisse reconnaissait les produits et substances actives autorisés dans l’UE. Les autorités suisses appliquent les décisions européennes lorsqu’il s’agit de retirer des produits du marché, mais pas en sens inverse.

Pour l’instant, il est important que les limitations appliquées aux produits phytosanitaires se basent sur des faits scientifiques. Dans sa publication «Datengrundlage und Kriterien für eine Einschränkung der PSM-Auswahl im ÖLN» («Base de données et critères de limitation des produits phytosanitaires dans les PER») de septembre 2020, Agroscope livre une analyse détaillée des absences d’alternatives aux substances indiquées. Elle montre les lacunes en l’absence de substances actives et quelles sont les conséquences pour l’agriculture.

Alors que pour certains, la rupture de l’approvisionnement en blé représente une menace existentielle, d’autres préfèrent renoncer au gluten, même sans indication médicale. «L’alimentation devient une profession de foi», a déclaré le professeur Thomas Ellrott à l’organisation faîtière swisscofel. On constate des comportements contradictoires: alors que tout le monde parle de durabilité, les Suisses consomment de moins en moins de viande écologique. Le prix n’y est bien entendu pas étranger. Et cette tendance vient rappeler que la durabilité revêt aussi un aspect social. Si les consommateurs ne peuvent pas se permettre de consommer des produits dits durables, la situation n’est-elle non plus pas durable ? Cela vaut aussi pour la politique agraire. Une «politique de beau temps» qui impose l’improductivité et accepte les pertes de récolte ne peut pas être éthique. Même si ce sont d’autres qui souffrent de la faim.

Et à propos de pain beau temps: le «pain sans pétrissage» est une recette facile à faire chez soi. Le journaliste culinaire du New York Times Mark Bittmann l’a publiée en 2006. Elle vient d’être mise à jour. Elle nécessite 430 grammes de farine. Sans farine, pas de pain.

La rédaction swiss-food

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